Notre église n’a que peu d’objets, statues ou peintures décoratives, mais lorsque le visiteur et le fidèle y entrent, ils ne peuvent être que surpris par la grandeur de la fresque de notre chœur.

Il ne faudra pas bien longtemps à ce visiteur pour comprendre le sujet de l’œuvre ainsi peinte : L’Assomption de la Vierge Marie, sa glorification et son couronnement. Le regard est attiré dans un mouvement ascendant. Au plancher de la fresque sont représentés celle qui est notre patrimoine local, Ste Odile patronne de l’Alsace, et l’évêque responsable du diocèse. Par ces deux personnages, c’est non seulement les paroissiens de l’église Notre Dame qui vénèrent la Vierge Marie, mais aussi toute l’Alsace qui reconnaît sa gloire. Une gloire annoncée et célébrée par les anges qui, comme au soir de la Nativité, sonnent du cor.

La Vierge Marie placée dans une mandorle au centre de la fresque reçoit de Dieu le Père et du Christ la couronne de gloire sous le regard et la protection de l’Esprit Saint. La Mandorle, selon la convention des icônes, signifie la condition céleste du personnage. Toute la fresque est à la gloire de Marie, c’est elle qui est mise en avant.
Et c’est peut-être cette volonté qui posa problème au moment de la conception de cette oeuvre.

En 1957, un vicaire Général prétexta que « le Couronnement de la Ste Vierge par les trois personnes de la Trinité serait contraire à la théologie ». Il voulait obliger l’artiste M Rovarino à remanier son projet et à mettre le Christ seul, couronnant sa Mère. Il dut réaliser les deux maquettes. La maquette retenue étant la première idée, il nous faut redéfinir la place et le rôle de cette fresque.

Habituellement, l’usage des représentations figuratives de nos églises a pour but d’aider le croyant à entrer en prière et à percevoir une partie de la présence de Dieu dans nos vies. C’est dans ce but que les chœurs sont généralement ornementés d’un Christ en gloire. C’est par le Christ Jésus que l’homme est sauvé du péché, c’est par lui qu’il retrouve sa part de divinité perdue par le péché. L’assemblée se perçoit comme convoquée par le Christ ressuscité, qui lui donne part à son triomphe sur la mort et l’oriente vers son retour à la fin des temps.

La représentation du Christ glorieux qui réunit son Eglise et réalise ainsi l’Alliance de la communion de Dieu avec son peuple est l’un des thèmes fondamentaux de la liturgie chrétienne.

C’est la première particularité de notre fresque. Car si le thème du Couronnement de la Vierge Marie a déjà été abordé comme dans la Basilique Ste Marie Majeure à Rome, jamais la Vierge Marie n’avait pris la place du Christ au milieu de la mandorle, et surtout relégué au second rang les thèmes ecclésiaux cités ci-dessus. La deuxième proposition qui avait été demandée à l’artiste se rapprochait sûrement plus de ce que l’on peut découvrir dans les différentes basiliques présentant le couronnement, à savoir un Christ trônant glorieusement, accueillant sa mère à ses côtés.

La deuxième particularité de notre fresque, et je crois que c’est ce qui a posé fondamentalement question, c’est la représentation de Dieu sous la forme d’un personnage d’apparence humaine. Rares sont les exemples de représentation de Dieu dans une fresque ou image d’Eglise. Car en matière d’illustration d’événements ou de personnages bibliques, l’Eglise a su jusqu’à un certain point évoluer depuis ses origines enracinées dans la tradition juive. En effet pour nos frères juifs, il existe une interdiction biblique de représenter toute chose de façon figurative. C’est Moïse, qui par une loi expresse, interdisait la confection d’image, sculpture pour que nous évitions de nous attacher aux objets et que nous recherchions les intelligibles.

A contrario pour nos frères orthodoxes, l’image est le portail qui permet de rentrer en relation avec l’indéfinissable et l’intelligible. L’image n’est pas un objet de culte, mais bien un moyen de toucher le Tout Autre présent malgré l’absence.

Dans notre fresque, nous pourrions nous poser la question de l’utilité de représenter Dieu. A quel besoin humain cela répond t-il ? En effet comment exprimer l’indéfinissable, comment représenter l’invisible ? A vouloir le faire, ne prendrait-on pas le risque d’enfermer notre Dieu dans une image, celle d’un homme, sa création, avec toutes ses limites et faiblesses ? Car si Dieu nous appelle à sa divinité, si Dieu a accepté de prendre notre humanité, il n’en demeure pas moins que nous sommes hommes et qu’il reste Dieu.

En conclusion, notre fresque du chœur restera une illustration, réussie ou pas, du Couronnement de la Vierge Marie, mais elle n’atteint pas les objectifs théologiques des fresques christologiques que nous pouvons admirer durant nos voyages dans les différentes basiliques.